Yaniland... le soir d'halloween...

Une fois par an, seulement le soir d'Halloween, la paisible ville de YaniLand devenait une zone sinistrement animée, envahie par des créatures que même les pires cauchemars ne sauraient inventer. Les rues pavées se couvraient d'une brume étrange, une odeur de citrouille pourrie flottait dans l'air, et les habitants, bien entendu, s’enfermaient chez eux, barricadaient portes et fenêtres et priaient pour que cette nuit s’éteigne plus rapidement qu’un vieux chandelier.

Au cœur de ce chaos, Édouard, une chauve-souris aussi séductrice que narcissique, virevoltait dans le ciel nocturne, écartant ses ailes avec une élégance théâtrale. Il avait cette tendance à croire que chaque être vivant (et mort-vivant) tombait sous son charme ténébreux. Il dédaignait légèrement les autres monstres, notamment Bubuche et Mimu, qu'il considérait comme des erreurs de la nature.

Bubuche, un monstre bleu avec une seule dent, avait l’allure d’une mascotte malformée, incapable de marcher sans trébucher sur ses propres pieds. À ses côtés, Mimu, un monstre violet à l’unique œil, regardait le monde avec une timidité presque touchante, mais terriblement maladroit. Ensemble, ils formaient un duo catastrophique, capable de transformer une simple promenade en déluge de catastrophes.

Comme la fois où ils avaient décidé de décorer une maison abandonnée pour "faire peur" (parce que pourquoi se contenter d’une ville déjà terrifiante quand on peut en rajouter ?). En tentant de suspendre une guirlande de crânes, Bubuche, évidemment, avait fini la tête coincée dans une citrouille géante, Mimu avait trébuché sur son propre pied (chose fascinante, puisqu’il n’en avait qu’un), et ensemble ils avaient provoqué une avalanche de pierres tombales. Personne ne leur avait jamais demandé pourquoi ils continuaient, mais ils étaient toujours prêts à répéter l’exploit.

Plus loin, dans l’ombre des ruelles, rôdait Frankencat, une aberration d’ingénierie morbide. Créé par un savant fou (qui avait clairement raté ses cours d’anatomie), Frankencat était un assemblage improbable de pièces de chat qui ne semblaient pas vraiment aller ensemble. Il émettait des crépitements d’électricité à chaque fois qu’il éternuait, et son regard vide trahissait une certaine incompréhension sur le but même de son existence. Mais bon, avec un corps aussi mal cousu, on ne peut pas vraiment s'attendre à des éclairs de génie.

Non loin de là, Dracuchat, le fils adoptif de Dracula, flottait majestueusement à quelques centimètres du sol. Imbu de lui-même, il avait hérité du penchant de son père pour les grandes capes noires et les sourires inquiétants, bien qu’il n’ait jamais réussi à mordre qui que ce soit (sauf une fois, où il s’était malencontreusement mordu la patte en essayant de paraître menaçant).

Et puis il y avait Chitrouille, la mystérieuse créature mi-chat, mi-citrouille, dont l’origine restait un mystère que personne n’avait osé résoudre. Ses yeux brillaient d’une lueur orange intense, et il avait cette habitude perturbante de s’asseoir dans les champs de citrouilles, immobile, pour tromper ceux qui pensaient récolter un légume de saison. Jusqu’à ce qu’il bondisse, déclenchant des hurlements hystériques et, pour la énième fois, des accidents cardiaques précoces chez les plus vulnérables.

Enfin, il y avait Philibert, le chat déguisé en fantôme. Personne ne savait vraiment pourquoi il portait toujours ce vieux drap blanc troué, mais il semblait prendre son rôle de spectre très au sérieux, flottant maladroitement de maison en maison, espérant effrayer quiconque oserait croiser son chemin. Spoiler : personne n’avait jamais eu peur. Une fois, un gamin déguisé en bonbon géant l’avait confondu avec une décoration et tenté de l’arracher du sol. Philibert n’en parlait jamais.

Cette troupe de joyeux monstres avait donc pour habitude de hanter YaniLand une fois l’an, pour des raisons que même eux ignoraient. Ils s’acharnaient à semer la terreur… ou du moins à essayer. Chaque année, malgré leurs efforts, leur seule véritable contribution était d’ajouter un peu plus de désordre à une ville qui aurait préféré les oublier.

Cette année encore, les monstres s'étaient mis en quête de faire frissonner la ville. Mais alors que Bubuche tentait de grimper sur le toit d’une maison (une mauvaise idée, étant donné son équilibre précaire), Mimu s’évertuait à allumer des bougies qui, par malheur, se transformaient en incendie incontrôlé. Pendant ce temps, Frankencat se coinçait dans une grille d’égout, générant des étincelles qui faisaient s’enfuir les rats. Dracuchat, quant à lui, passait son temps à essayer d’impressionner un miroir… sans se rendre compte qu’il n’avait pas de reflet. Philibert flottait toujours aussi inutilement dans l’air, se demandant peut-être si quelqu’un allait un jour lui dire que les vrais fantômes ne portaient pas de draps. Et Chitrouille, fidèle à lui-même, restait immobile dans un champ, attendant patiemment qu’une famille malchanceuse essaie de le récolter.

En fin de compte, cette nuit d’Halloween à YaniLand ne provoqua ni terreur, ni hurlements, juste un léger soupir de désespoir collectif. Une chose était sûre : l’effroi ne venait pas des monstres, mais de la perspective d’avoir à nettoyer leurs bêtises le lendemain.

Et pendant que les habitants restaient bien à l’abri, regrettant une fois de plus d'habiter cette ville étrange, les créatures de la nuit s’en retournaient peu à peu dans l’ombre, fières de leur carnage… ou de ce qui y ressemblait.