YaniLand connaissait Hector comme un hibou renfrogné, bougon, pas poli pour un sou. Un vieux gangster, disaient certains. Un as du crime, une ombre insaisissable, une légende vivante…
Il n’avait jamais nié. Bien au contraire.
Le moindre regard travers de sa part faisait frissonner les habitants. Il passait son temps à grogner, à râler et à marmonner des trucs sombres en picorant ses graines comme si c’étaient des balles de revolver. Il disait avoir braqué des banques, semé la police, fait trembler des gangsters eux-mêmes…
Et personne ne savait qu’il avait une femme.
Jusqu’au jour où Imogen débarqua.

Un long voyage. Une arrivée théâtrale. Un ouragan de lassitude dans une robe de plumes.
Elle passa la porte du café de YaniLand, observa son mari en train de se vanter de son dernier méfait – probablement un hold-up de boulangerie, vu les miettes sur son bec – et poussa un soupir si profond qu’on aurait cru qu’elle exhalait toutes les années de mensonges d’un seul coup.
Puis elle s’assit, croisa les ailes et attendit que quelqu’un ait le courage de poser la question fatale.
Silence gêné.
Enfin, Rio le raton laveur un peu suicidaire osa :
— Euh… Hector… qui c’est ?
Hector déglutit.
Imogen, elle, se frotta les tempes.
Les habitants comprirent très vite. Le plus grand bandit de YaniLand… avait une patronne.
Et surtout, il était un imposteur.
Les braquages ? De pures inventions.
Les courses-poursuites ? Il s’essoufflait au bout de trois mètres.
Les vols ? … Bon. Une fois, il avait "dérobé" quelque chose.
Un sac de graines. Mais pas n’importe comment.
Il était passé à la caisse, avait payé, puis avait regardé la vendeuse dans les yeux sans dire merci. Un crime d’une froideur inouïe. Un monstre.
Imogen avait tout dévoilé avec un détachement clinique.
Le Mythe s’était écroulé en trois minutes.
Hector tenta bien de se défendre. Grogna. Marmonna un truc sur « l’honneur » et sur « la rue » (personne ne savait quelle rue il sagissait).
Mais c’était terminé.

YaniLand connaissait enfin la vérité : le véritable chef de gang, c’était Imogen. Et elle avait eu la patience de laisser ce pitoyable hibou faire son cirque bien trop longtemps.
Elle finit par soupirer encore une fois, comme si l’air autour d’elle était trop lourd d’idiotie, puis tourna les talons.
Hector, lui, resta là, à fixer son café froid, réalisant qu’il venait de perdre son plus grand braquage : celui de la crédulité de tout un village.
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